« Un moment si doux » avec Raymond Depardon

ImageSi Raymond Depardon est principalement connu pour ses photographies nostalgiques en noir et blanc denses et profonds, la couleur a également teinté son œuvre. Pour lui, « la couleur est la métamorphose de la curiosité ». Des premiers clichés dans sa ferme familiale, alors âgé de seize ans, pris avec le 6 x 6 de son frère aîné, à aujourd’hui, le Grand Palais propose une rétrospective chronologique autour de cent cinquante photographies.

Pour Raymond Depardon, la couleur s’est imposée comme une évidence grâce au tracteur rouge de son frère et à la mobylette bleue de sa nièce Nathalie. C’est le déclic. Riche de solitude, nomade dans l’âme, le photographe s’enquiert des grands espaces et construit son regard dans la recherche de la bonne distance avec le sujet, entre vérité du cœur et expérience du réel. Sa série de Glasgow se montre particulièrement intéressante : au froid de la ville, à la grisaille des rues, la couleur s’immisce joyeusement, que ce soit grâce à ce petit garçon faisant une bulle de chewing-gum rose bonbon, ou par cette fillette dans sa robe écossaise d’un rose et d’un blanc délicats. S’en suit un périple dépaysant à travers ses années de photoreportages : campagne présidentielle de Richard Nixon (1968), tremblement de terre au Pérou (1970), première élection du président chilien Salvador Allende (1972), il doit également couvrir en tant que photographe de guerre la guerre civile qui éclate au Liban (1975). L’intelligence du regard humanisé de Raymond Depardon fait qu’il ne photographie pas la guerre civile même, mais les conséquences et la vie en marge du conflit. Saisissant. Le voyage se termine par son retour à la couleur dans les années 2000, comme un plaisir, après une période consacrée exclusivement à son cher noir et blanc – il n’utilise la couleur plus que dans ses films – et par une série de grands formats au doux parfum exotique. Ethiopie, Tchad, Brésil, Chili, Bolivie, Raymond Depardon vit ce moment si doux et nous enchante par la chaleur de ses couleurs.

« Je fais des photos que tout le monde pourrait faire mais que personne ne fait ». La photographie de Raymond Depardon, c’est ça. Sa simplicité, ses lieux anonymes, ses scènes de vie laissent songeurs. A première vue, on se dit que ses clichés sont à la portée de tous. Peut-être concernant le cadrage comme en témoigne notamment la série des tables de cuisine et des chaises. Mais son art repose sur sa faculté à manier la lumière, les couleurs, les contrastes. L’exposition « Un moment si doux » qui se tient au Grand Palais tente de mettre en relief Raymond Depardon et sa poésie colorée. Un enjeu réussi mais on déplore que l’exposition soit si courte et manque d’informations. Un petit goût amer qui nous rappelle un peu celui de l’exposition consacrée à Helmut Newton en 2012.

« Raymond Depardon : un moment si doux », au Grand Palais. Jusqu’au 10 février 2014.

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